Intégration dans une école privée

Honnêtement, quand je lis qu’il y a moins de 500 élèves sourds dans le cursus primaire et secondaire au niveau national, je me dis que c’est dommage que la mentalité ne soit pas plus avancée qu’avant. Par avant, je voulais dire pendant ma période scolaire.

J’avais la chance d’être acceptée dans une école privée à Paris, à 10 minutes à pied de chez moi. Il parait qu’un élève sourd avait tenté sa chance à l’école primaire mais il avait échoué. Moi, je faisais tranquillement mon parcours parmi les élèves entendants… je n’avais pas l’impression de faire plus d’efforts qu’eux (sauf en dictée ou en expression écrite) et les maîtresses s’adaptaient aussi à moi, surtout lors des dictées.

J’avais aussi la chance d’avoir des amis et de pouvoir compter sur eux. J’en avais dans ma classe et aussi dans d’autres classes, ce qui fait que j’avais pas mal de connaissances. Si j’ai fait mon parcours dans le même établissement scolaire jusqu’au bac, j’ai toujours eu le plaisir de retrouver les mêmes amis jusqu’au bout. Avec certains, l’amitié s’est renforcée. Avec d’autres, une nouvelle amitié, parfois éphémère. Mais ces amitiés, j’avoue, m’ont beaucoup apportée car, si je n’avais pas d’amis à proprement dit dans cette école, est-ce que j’aurais fait tout ce parcours avec autant de facilité, autant de volonté ? Personnellement, je ne sais pas mais comme on dit, les amis, c’est important dans la vie, et pour moi, ça a une grande valeur.

Tahitian-Landscape

source Paul Gauguin The complete works

Ensuite, au fur et à mesure que je gravissais les sections jusqu’au bac, il y avait de plus en plus d’oral en cours… Je copiais sur mes copines, je ne parle pas de tricher en copiant sur un voisin pendant un contrôle comme certains plaisent à le croire, mais évidement de recopier ses notes ou la dictée du prof… Parfois, surtout en première et en terminale, on me mettait à côté d’une des meilleures élèves de la classe qui, bien entendu, acceptait de m’aider en m’expliquant les cours en plus de me laisser copier sur elle.

Je n’avais pas d’aide technique car je n’en voulais pas. Les enseignants ne changeaient pas forcément leur habitude vis-à-vis de moi. Certains m’obligeaient à me mettre au premier rang mais j’arrivais souvent à négocier avec eux pour me mettre au second rang, bien en face d’eux, je les regardais, je lisais sur leurs lèvres (quand je pouvais)… Qu’ils me pardonnent s’ils lisent ce billet, quand ils me disaient de les prévenir quand je ne les comprenais pas ou qu’ils parlaient trop vite, il fallait que je le leur signale, mais je suis désolée, je ne les prévenais presque jamais, je tenais trop à mon confort de sourde oraliste !

Et les preneurs de note... je ne les oublierai pas non plus tellement ils sont importants à mes yeux. Ils m’ont très bien aidée, et j’espère que je leur ai apporté quelque chose en retour même si on n’en a jamais vraiment parlé. 

Mon intégration dans cette école a permis d’ouvrir ses portes à une élève sourde plus jeune que moi, et j’espère que d’autres sourds montreront aussi un bon exemple après nous.

Une réflexion au sujet de « Intégration dans une école privée »

  1. Alice

    Je suis très heureuse d’être tombée sur votre blog. Je suis belge mais j’ai la même particularité que vous; à savoir, la surdité.
    C’est en faisant une recherche sur les babyphones par ennui (au passage, je possède un babyphone Bellman visit – réveil, détecteur pleur, détecteur incendie, etc.) que je suis tombée sur votre blog.
    Je suis sourde sévère à profonde. J’ai pris des années à l’accepter. J’ai eu une ouïe parfaite jusqu’à l’âge de 7 ans. Depuis, mon audition chute. Elle s’est plus ou moins stabilisée vers mes 19 ans. Je ne signe donc pas et je suis toujours incapable de lire sur les lèvres. Je porte des appareils auditifs mais cela reste une grande difficulté car je n’entends presque pas. Il est hors de question de me diriger vers un implant. Bref. Je suis également maman d’un petit garçon de 16 mois.
    Mes parents sont dans le domaine de l’enseignement (maman, institutrice maternelle et papa, professeur d’anglais, néerlandais et allemand). Ils m’ont donc naturellement scolarisée dans l’enseignement « normal » (devrai-je dire normal? bref, dans l’enseignement des entendants). Ensuite, j’ai continué dans cet enseignement. J’ai eu de grande difficulté. Les professeurs n’étant d’aucune aide. Les autres élèves n’aimant pas la différence (je mets ça sur le compte de l’immaturité), je me suis mise rapidement à sécher les cours. Je venais en cours uniquement pour les contrôles en étudiant dans des livres personnels voire même sur Internet. Je m’en suis miraculeusement sortie. Ensuite, je me suis inscrite à l’Université en droit. Et ce fût une grande révélation. Tout le monde hurlait en me disant qu’avec ma surdité, j’allais droit dans le mur en choisissant cette voie. Au contraire, je suis actuellement en dernière année. Je ne vais pas mentir, j’ai pris deux ans à m’adapter. Aujourd’hui, je ne vais pas en cours et j’étudie mes précis. Je ne réclame des notes de cours aux autres étudiants uniquement quand le cours n’a pas de support. Et la grande différence, c’est qu’à l’Université, les professeurs et étudiants sont plus sensibles à mes problèmes. Alléluia !!! Bien que je n’aille pas en cours, certains examens sont oraux et public. Donc je me retrouve dans une classe avec plusieurs étudiants qui préparent leur oral sur une feuille de brouillon et 3 professeurs qui interrogent les élèves. Conclusion, moi, face aux professeurs dans ce local où deux autres interrogent d’autres; mission impossible. Alors, ils acceptent de me faire les oraux dans leur bureau, seule, face à face. Les autres élèves, quant à eux, n’hésitent jamais à me fournir des notes et des tuyaux que les professeurs ont donnés au cours oral. On m’a proposé plusieurs fois de m’aider pour que je puisse suivre les cours. Mais j’aime bien me débrouiller seule, comme vous. Je suis dans mon petit monde et c’est ainsi. Je me fais confiance. Cette année, j’ai ma première plaidoirie. Je viens de discuter avec ma professeur qui s’occupe de m’évaluer car j’ai tellement peur. Peur de ne pas parler assez fort, peur de répliquer au mauvais moment car je pensais que c’était à mon tour, etc.
    J’aurai tant aimé avant l’Université rencontrer une autre personne faisant le même parcours que moi. J’avais l’impression d’être seule.
    Assez discuté du parcours pédagogique !
    Je n’ai pas encore pu lire tout votre blog. Mais avec votre enfant, comment cela se passe ? Le nôtre commence à parler, parfois, j’ai tellement peur de ne pas comprendre ses mots, ses phrases.
    J’enlève régulièrement mes appareils devant lui, il les prend et revient vers moi pour essayer de les mettre dans mes oreilles, je trouve ça tellement mignon !
    La nuit, malgré le babyphone super performant, quand le papa est absent, j’ai toujours peur qu’il y ait une « panne ». Que mon fils pleure et que, moi, je roupille. Quelle horreur ! Comment vous gérez cela ?
    Je reviendrai demain parcourir tout votre blog demain (d’ailleurs, cela fait quelque chose que je pense créer un blog concernant le quotidien d’une maman étudiante sourde mais je ne sais comment m’y prendre).
    Je vous souhaite une agréable nuit.

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